lundi 9 juillet 2018

Billet 3 : Analyse SWOT du tutorat.


Certaines conditions peuvent être réunies ou évitées pour favoriser l’établissement d’une relation tutorale aidante. Une analyse de type SWOT (ou FFOM en français : forces, faiblesses, opportunités, menaces) permet au tuteur de s’approprier la littérature sur le sujet afin de réinvestir ces connaissances dans sa pratique. Les différentes conditions recensées sont présentées sous la forme classique de cette analyse au tableau 1.

Parmi ses forces, le tuteur doit démontrer la solidité de ses connaissances (cognitives) liées au contenu du cours. Il doit aussi montrer qu’il connait bien les processus à réaliser pour se les approprier, comme la nature des travaux demandés ou les objectifs des évaluations à venir. L’enseignant doit aussi être en mesure d’assurer un accompagnement métacognitif auprès de l’étudiant. Par des questions ou des exemples, l’étudiant doit sentir qu’il s’approprie le processus d’apprentissage et qu’il gagne en autonomie dans ce rôle. Puis, Baudrit (2000) nomme la capacité de « congruence cognitive » (Depover, Baron, Lièvre, & Peraya, 2011, p. 112)  comme force recherchée chez le tuteur. Il s’agit de sa capacité à partir des connaissances de l’apprenant pour en construire de nouvelles, ainsi qu’à s'adresser à l'étudiant dans un langage qu'il comprend bien. Avoir le sentiment d’avoir bien compris renforce le sentiment d’efficacité personnel et le sentiment de compétence. 

Certaines faiblesses sont à éviter chez le tuteur. Premièrement, le tuteur doit être en mesure de créer un lien avec l’étudiant. Une faiblesse à la fonction de tutorat apparaît, si le tuteur ne sait se rendre suffisamment disponible au moment qui convient à l’étudiant et par des moyens qui lui paraissent raisonnables. Deuxièmement, le tuteur doit être en mesure de juger le besoin de rétroaction de l’étudiant, afin que cette information appuie l’apprentissage de l’étudiant au bon moment, en quantité suffisante, mais gérable pour l’étudiant. Cette modulation de l’information fournie répond au besoin cognitif de se sentir soutenu, mais non pas submergé (Depover et al., 2011), ainsi qu’au besoin affectif, motivationnel et de confiance en soi de l’étudiant (Burton et al., 2011). Troisièmement, l’incapacité du tuteur à se mettre à la place de l’étudiant peut causer des lacunes importantes dans la relation d’aide et l’apprentissage métacognitif requis. Certains auteurs suggèrent d’expérimenter le rôle de l’apprenant pour mieux comprendre l’expérience d’apprentissage en question (Depover et al., 2011, pp. 112, 161 ).

Différentes opportunités contribuent à établir une bonne relation de tutorat. Il convient au tuteur d’être proactif en initiant le contact avec l’étudiant, en vérifiant les connaissances de l’étudiant quant aux processus prévus de l’apprentissage (échéanciers, objectifs, le temps à investir, les ressources à sa disposition, etc.). Il revient aussi au tuteur de prendre connaissance des objectifs personnels et des attentes de l’étudiant et de réfléchir à comment le cours peut y répondre. Encore, il reste de la responsabilité du tuteur de réitérer cette information au cours de l’apprentissage, lorsque le contexte s’y prête, soit en temps opportun.

Enfin, le tuteur doit identifier et gérer les menaces à l’apprentissage, comme la propension à certains étudiants à ne pas demander ou ne pas vouloir d’aide (Depover et al., 2011). Il doit constater cette attitude lorsqu’elle survient et tenter d’accompagner l’étudiant dans l’identification de cette attitude. Une autre menace identifiée dans la littérature se situe au niveau des contraintes organisationnelles. Coppola et ses collègues en 2001 (Depover et al., 2011, p. 111) ont identifié surtout le manque de temps pour analyser les productions de l’étudiant, identifier ses lacunes, les causes de celles-ci et développer des processus d’apprentissage mieux adaptés. Or, le tutorat constitue un engagement envers l’étudiant et ne doit pas plier devant cette menace. Le tuteur doit fournir les efforts nécessaires, comme travailler tard le soir ou sous pression, afin de fournir les rétroactions dont l’étudiant a besoin. 

Ainsi, cette revue non exhaustive de forces, faiblesses, opportunités et menaces qui guettent le tutorat met en évidence le caractère exigeant, mais aussi très sensible et humain de ce rôle. Puis, c’est sans doute dans l’investissement du tuteur dans son rôle qu'il atteint ses propres objectifs et une satisfaction professionnelle.

Tableau 1
Analyse SWOT du tutorat.
Forces
Faiblesses
  • Connaissances cognitives
  • Connaissances procédurales
  • Pratiques métacognitives 
  • Faire le lien en objectifs personnel de l’étudiant et les objectifs du cours
  • Congruence cognitive (Baudrit, 2000), soit la capacité à partir des connaissances de l’apprenant et à communiquer dans un langage que l’étudiant comprend facilement.

  • Ne pas offrir suffisamment de rétroactions
  • Ne pas offrir les rétroactions au bon moment
  • Ne pas être en mesure de créer un lien affectif avec l’étudiant
  • Ne pas avoir expérimenté soi-même la formation à distance (Deschamps, 2006; Glikman, 2002)
Opportunités
Menaces
  •  Initier l’accueil de l’étudiant (Wion et Gagné, 2008)
  • Établir un échéancier de rencontre en fonction du déroulement du cours
  • Prendre connaissance des attentes des apprenants
  • Offrir régulièrement son aide
  • Ne pas demander de l’aide
  • Ne pas être suffisamment explicite sur l’aide que le tuteur peut offrir
  • Conditions organisationnelles, comme les délais impartis sont plus ou moins adaptés au développement d’une bonne relation tutorale  (Coppola et al, 2001)
Source.  Depover, C., Baron, G. L., Lièvre, B. d., & Peraya, D. (2011). Le tutorat en formation à distance. Bruxelles: De Boeck.

Référence
Burton, R., Borruat, S., Charlier, B., Coltice, N., Deschryver, N., Docq, F., & Eneau, J. (2011). Vers une typologie des dispositifs hybrides de formation en enseignement supérieur. Distances et savoirs, 9(1), 69–96.

Depover, C., Baron, G. L., Lièvre, B. d., & Peraya, D. (2011). Le tutorat en formation à distance. Bruxelles: De Boeck.

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